Le Départ (Henry BECQUE)

Comédie en un acte.

Représentée pour la première fois à Paris, sur le Théâtre national de l’Odéon, le 21 mai 1924.

 

Personnages

 

AUGUSTE

ANDRÉ

LETOURNEUR

MARIE

BLANCHE

ZOÉ

LOUISE

JULIENNE

MÉLANIE

CLARISSE

MADAME LETOURNEUR

 

À Paris, de nos jours.

 

Le théâtre représente un atelier de couture. Au fond, porte à deux battants. À droite et à gauche de la porte, une haute fenêtre. Par la fenêtre de droite entre un rayon de soleil. À gauche, au premier plan, une porte simple. Le milieu de la scène est occupé par une table de travail, un établi. Peu de meubles, une plante énorme, des caisses, etc.

 

 

Scène première

 

BLANCHE, MARIE, LOUISE, JULIENNE, MÉLANIE, ZOÉ

 

Au lever du rideau, les ouvrières sont assises sur deux rangs à la table de travail à droite, sur le devant, Louise derrière elle, Zoé à gauche, sur le devant, Julienne ; derrière elle, Mélanie. Blanche et Marie travaillent à part, l’une près de l’autre, sur la droite.

MARIE, bas.

Blanche. Blanche.

BLANCHE.

Mon amie...

MARIE.

Et cette robe ?

BLANCHE.

Tu as raison, je l’oubliais.

MARIE.

Où étais-tu ?

BLANCHE.

Un peu partout.

MARIE.

Folle, va ! Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ?

BLANCHE.

Qu’est-ce que je fais aujourd’hui, pour mon dimanche ? Rien. Et toi ?

MARIE.

Je calcule que je serai rentrée vers deux heures ; j’habillerai mon petit frère et je le mènerai promener.

BLANCHE.

C’est gai, ça !

MARIE.

Oui, c’est gai. Penses-tu seulement à ce que tu me dis ?

BLANCHE.

J’ai mes nerfs.

MARIE.

Les mauvais ?

BLANCHE.

Les mauvais.

MARIE.

Qu’est-ce qui t’agite encore ?

BLANCHE.

Je ne sais. Le soleil.

MARIE.

Demain ce sera la lune.

BLANCHE.

Peut-être bien.

ZOÉ.

Louise. Ma chère Louise.

LOUISE

Après ?

ZOÉ.

Chantez-nous quelque chose, voulez-vous ? Le Vautour et l’Hirondelle !

MÉLANIE.

Non, Mademoiselle, Louise ne chantera pas : finissons cette robe qui est attendue.

ZOÉ.

Moi aussi, je suis attendue.

JULIENNE

Par qui ?

ZOÉ.

Par mon vieux, si tu veux le savoir.

MÉLANIE.

Êtes-vous sale, ma pauvre Zoé, et que ce monsieur est donc bête !

ZOÉ.

Pourquoi le monsieur il est bête ?

MÉLANIE.

Un homme de cet âge-là, mon enfant, devrait prendre une personne raisonnable.

ZOÉ.

Il s’amuserait avec vous

JULIE.NNE

Tu t’amuses bien avec lui !

ZOÉ.

Ah dame il a le sac.

MÉLANIE.

Pourquoi vous laisse-t-il travailler alors ?

ZOÉ.

C’est son idée, à c’t homme ! Il dit que si je ne travaillais pas, je me conduirais mal. Faut bien que je passe par ce qu’il veut, il m’a promis de me faire des rentes.

LOUISE.

En attendant, il vous fait de la morale.

MARIE, bas.

Cette Zoé me révolte ; on devrait la renvoyer.

BLANCHE.

Tu ne sais donc rien ?

MARIE.

Rien.

BLANCHE.

Le vieux dont elle parle est un ami de la maison ; il l’a placée ici pour être plus sûr d’elle.

MARIE.

Mme Letourneur souffre ça ?

BLANCHE.

Mme Letourneur l’ignore. C’est son mari qui ne vaut pas mieux que l’autre et qui lui prête la main.

JULIENNE, à Louise qui a consulté sa montre.

Quelle heure ?

LOUISE.

Midi passé.

JULIENNE.

Déjà ! Edmond doit être en bas.

LOUISE.

Et Gustave qui m’attend à la gare ! Nous allons à Asnières.

JULIENNE.

Nous, nous allons à Nogent. Edmond trouve Nogent plus distingué.

LOUISE.

On s’amuse mieux à Asnières.

JULIENNE.

On s’amuse partout. Ça dépend de l’homme avec qui l’on est.

BLANCHE, bas.

Je te dirais bien quelque chose, mais tu vas te fâcher tout de suite. Le baron. Il m’a écrit encore.

MARIE.

Quelle faute j’ai faite de t’accompagner chez cette somnambule ! C’est elle, en te prédisant un beau mariage, qui t’a mis la tête à l’envers.

BLANCHE.

Le baron, m’épouser, je n’y pense guère. Si je me marie, ce qui est possible après tout, ce ne sera pas avec lui.

MARIE.

Pourquoi reçois-tu ses lettres alors ?

BLANCHE.

Il me plaît beaucoup, M. de Saint-Étienne. Quel âge lui donnes-tu ?

MARIE.

Cinquante ans.

BLANCHE.

Quarante ans. Peu importe. Il est jeune encore et il a grand air. Il m’écrit des lettres très sérieuses qui me font plus de plaisir que si elles étaient passionnées. Une fille comme moi, que la vertu n’amuse pas toujours, ne pourrait pas trouver un meilleur ami.

MARIE.

Tu finiras mal, Blanche, tu finiras mal !

 

 

Scène II

 

LES MÊMES, CLARISSE

 

CLARISSE, passant la tête par la-porte de gauche.

On peut entrer ?

JULIENNE, à Louise.

Clarisse !

LOUISE.

Entre. Entre donc ! Tu ne penses pas que nous allons nous lever pour te recevoir ?

CLARISSE, entrant et secouant ses jupes.

Bonjour, Mesdemoiselles.

À Julienne.

Tu vas bien ?

JULIENNE.

Pas mal.

CLARISSE, à Louise.

Et toi, ma grosse ?

LOUISE.

Regarde. Ce n’est pas encore demain que je me maquille !

CLARISSE, à Marie.

Bonjour, Mademoiselle. Bonjour, Blanche.

BLANCHE.

Vous allez bien ?

CLARISSE.

Très bien. C’est pour vous, ma petite Blanche, que je suis venue ici.

BLANCHE.

Bah !

CLARISSE.

Oui.

BLANCHE.

Êtes-vous bien pressée ?

CLARISSE.

Pressée, non ; mais je ne voudrais pas me rencontrer avec M. Letourneur. Il dirait que je viens débaucher ses ouvrières, et c’est assez de lui dans ce rôle-là.

BLANCHE.

Je finis ce point et je suis à vous.

ZOÉ, qui s’est levée.

Comme vous êtes bien habillée, Madame !

CLARISSE.

Vous trouvez ?

LOUISE.

Fais voir un peu.

MÉLANIE.

C’est le marchand de velours qui vous a donné cette montre ?

JULIENNE.

Ou bien ton monsieur de la Bourse ?

LOUISE.

Taisez-vous donc ; c’est le général !

CLARISSE.

Sont-elles méchantes et jalouses ! Venez-vous, Blanche, je vous attends.

BLANCHE, se levant.

Me voici. Je vous écoute.

CLARISSE.

Regardez-moi, Blanche, et répondez-moi franchement. Êtes-vous toujours sage ?

BLANCHE.

C’est là ce que vous vouliez me dire ?

CLARISSE.

Répondez.

BLANCHE.

Oui, je suis toujours sage.

CLARISSE.

Pourquoi ?

BLANCHE.

Mais c’est que cela me plaît mieux sans doute.

CLARISSE.

Assurément. Une jolie fille comme vous, si elle voulait prendre quelqu’un, le trouverait tout de suite, et quelqu’un de très bien. Vous êtes charmante, le savez-vous ?

BLANCHE.

Peut-être.

CLARISSE.

C’est drôle. Quand je suis partie d’ici, je pensais que vous en feriez bien vite autant. Je m’attendais tous les jours à vous rencontrer, au théâtre, aux courses, à Trouville ou à Monte-Carlo. Vous vous trouvez donc bien heureuse ? Le travail ne vous ennuie pas ?

BLANCHE.

Quelquefois.

S’éloignant.

Le dimanche, quand il est pressé.

CLARISSE, la retenant.

Attendez, je n’ai pas fini. Si je connaissais un garçon charmant, jeune, beau, riche, vous ne voudriez pas dîner avec lui ? Je serais là, bien entendu, et mon amant aussi.

BLANCHE.

Non.

Elle la quitte.

CLARISSE.

À son aise ! Ce que j’en faisais, c’était pour elle ! Il y a quelque chose, bien sûr, qui la retient dans cette maison. Est-ce le père ? Est-ce le fils ? Peut-être les deux !

Après avoir relevé ses jupes.

Adieu, Mesdemoiselles, je me sauve.

Elle gagne la porte de gauche, qui résiste un instant, et se trouve nez à nez avec Auguste il a le costume des garçons de magasin et porte une caisse sous son bras.

 

 

Scène III

 

LES MÊMES, AUGUSTE

 

CLARISSE.

Tiens, Auguste ! Bonjour, Auguste.

AUGUSTE.

Bonjour. Qu’est-ce que vous venez faire ici, la femme à tout le monde ?

CLARISSE.

La femme à tout le monde !

AUGUSTE.

Oui. Faut-il que j’aille dire au patron que vous êtes là ?

CLARISSE.

Il ne vaut pas cher, votre patron, et vous.non plus !

Le bousculant.

Allons, laissez-moi passer !

Elle sort ; de l’autre côté de la porte.

Mufle !

 

 

Scène IV

 

LES MÊMES, moins CLARISSE

 

LOUISE.

Il est gentil, Auguste, très gentil.

BLANCHE, qui s’est levée, allant à lui.

C’est grossier, c’est cruel, c’est odieux, ce que vous avez fait là ; ne recommencez jamais.

AUGUSTE.

Cependant, Mademoiselle.

BLANCHE.

Ne recommencez jamais. Déjeunez, vous allez repartir en course

ZOÉ, reprenant Auguste de l’autre côté.

Si vous m’aviez dit ça, à moi, vous n’auriez plus un cheveu sur la tête !

Auguste, mécontent, regagne la porte de gauche il dépose sa caisse, s’assoit dessus, tire un morceau de sa poche et déjeune sommairement.

BLANCHE.

Est-ce fini, Mesdemoiselles ?

JULIENNE.

Oui, de notre côté, c’est fini.

BLANCHE.

Mademoiselle Zoé, prenez cette caisse, voulez-vous, et portez-la sur la table.

ZOÉ.

Tout de suite, Mademoiselle.

Elle va chercher la caisse en zigzaguant et la dépose sur la table.

BLANCHE, après avoir pris les parties de la robe auxquelles elle travaillait avec Marie.

Attention maintenant, Mesdemoiselles ! Un peu de patience encore et de la légèreté surtout. Cette robe est une merveille, n’en faisons pas un paquet, si c’est possible.

Les ouvrières se groupent autour de la table et disposent la robe dans la caisse.

MÉLANIE, qui s’est approchée d’Auguste.

Votre santé est bonne, monsieur Auguste ?

AUGUSTE.

Comme vous voyez, m’ame Mélanie.

MÉLANIE.

Cette pauvre Clarisse, vous l’avez bien mortifiée.

AUGUSTE.

Pourquoi vient-elle ici ? Ce n’est pas une cliente... Je n’aurais rien dit à une cliente.

MÉLANIE.

Il faut vous marier, monsieur Auguste. Un homme comme vous, qui ne court pas, qui ne boit jamais, devrait avoir son ménage.

AUGUSTE.

J’y songe, m’ame Mélanie, j’y songe.

MÉLANIE.

Qu’est-ce qui vous retient, mon cher Auguste ? Ne craignez pas que votre femme ait quelques années de plus que vous. Une jeune épouse n’est pas toujours bien raisonnable, ni économe, ni fidèle. On croit mettre le paradis dans sa maison, on y met l’enfer.

AUGUSTE.

Ça, c’est vrai. Ça peut se voir plus qu’il ne faudrait. Mais que voulez-vous, m’ame Mélanie ? Le neuf, comme on dit, est d’un meilleur usage que le vieux.

Elle le quitte avec dépit ; il goguenarde.

BLANCHE.

Est-ce bien, Mesdemoiselles ? Julienne ?

JULIENNE.

C’est bien.

BLANCHE.

Et vous, Louise ?

LOUISE.

Il n’y a rien à dire.

BLANCHE, le couvercle à la main.

Je ferme.

ZOÉ.

Mettez-moi dedans, Mademoiselle !

LOUISE.

Filons.

Les ouvrières font leur toilette de départ en même temps qu’Auguste enlève la table.

ZOÉ, qui a rejoint Blanche.

Comment que vous faites, Mademoiselle, pour être aussi futée de vos doigts ? Je n’ai pas les pattes bien grosses, mais je ne saurais jamais.

BLANCHE.

Coquette ! C’est pour me montrer vos mains que vous me dites cela. Elles sont charmantes, ma foi ! on dirait les mains d’un enfant.

ZOÉ.

Cette robe, Mademoiselle, à qui l’envoyons-nous ?

BLANCHE.

À la comtesse du Plessis.

ZOÉ.

Une comtesse pour de bon ?

BLANCHE.

Pour de bon, oui.

ZOÉ.

Est-ce qu’elle est bien mignonne ?

BLANCHE.

Très mignonne.

ZOÉ.

C’est bien alors. Les jolies choses sont faites pour les jolies personnes.

Allant à la caisse et tapant dessus.

Sera-t-elle contente, cette petite gueuse, quand elle va recevoir ça !

BLANCHE.

Êtes-vous prêt, Auguste ? Mlle Marie vous attend.

AUGUSTE, allant à elle, avec un sourire.

Nous v’là donc fâchés. Mademoiselle ?

BLANCHE.

Oui. Je suis très mécontente de vous.

AUGUSTE, souriant toujours.

Ça tombe mal.

BLANCHE.

Pourquoi ?

AUGUSTE.

Je m’étais dit qu’aujourd’hui dimanche, vous auriez bien un petit moment, et moi aussi, et que nous pourrions causer ensemble.

BLANCHE.

À quel propos ?

AUGUSTE.

Il s’agirait d’un mariage que j’ai en vue depuis longtemps.

BLANCHE.

C’est bien, Auguste. Je ne demande pas mieux que de vous écouter. Faites votre course et ne perdez pas de temps. Vous me retrouverez ici.

AUGUSTE.

À tout à l’heure, Mademoiselle.

BLANCHE, à part.

Est-ce que ce garçon penserait à Marie par hasard ?

MÉLANIE, partant.

Adieu, Mesdemoiselles. Amusez-vous pendant que vous êtes jeunes ; ça ne durera pas toujours.

ZOÉ.

Louise, chantez-moi le Vautour et l’Hirondelle.

LOUISE.

Venez à Asnières, avec votre vieux !

Elles sortent.

MARIE.

Tu ne t’en viens pas avec moi ?

BLANCHE.

Non. Je reste encore un instant. Je vais mettre de l’ordre par-ci par-là.

MARIE.

À demain, ma Blanche.

BLANCHE.

À demain, ma chérie. Embrasse le petit frère pour moi.

Marie sort, suivie d’Auguste.

 

 

Scène V

 

BLANCHE, seule

 

Une heure. C’est parfait. Ils vont sortir de table. Ce pauvre M. André, voilà huit jours qu’il ne m’a pas vue. En aura-t-il profité ? Je le lui ai dit bien franchement : « Je ne veux ni vous abuser ni me compromettre. Consultez vos parents. S’il leur convient de nous marier ensemble, j’accepte ; sinon, ne me parlez plus jamais de votre amour. » Ce mariage, pour moi, serait un rêve. Pourquoi ne m’émeut-il pas davantage ? Est-ce le garçon qui ne me va pas ? Un homme, à vingt ans, ne plaît ni ne déplaît. Celui-là est doux, gentil, bien élevé ; je m’attacherais à lui bien facilement. Je n’espère pas, voilà la vérité. Mme Letourneur, passe encore ; elle est pieuse et voudrait marier son fils de bonne heure. Mais le père ? Ah ! ce père ! Qu’est-ce que je suis à ses yeux ? Une ouvrière comme il en a vu tant d’autres. Sa conduite avec elles montre le peu de cas qu’il en fait, et leur conduite avec lui prouve qu’il n’a pas tout à fait tort. Attendons.

Allant à la fenêtre.

C’est vrai pourtant que ce soleil me fait mal. Les belles journées ne me laissent pas tranquille. Tranquille, le serai-je jamais, ou bien ne tiendrait-il qu’à moi de l’être pour toujours, comme le baron me l’écrit ? Où est-il en ce moment ? Que fait-il ? Quelque partie sans doute, avec ses amis et leurs maîtresses. Ils vivent, ces heureux, ils vivent !

 

 

Scène VI

 

BLANCHE, ANDRÉ

 

ANDRÉ est entré avec précaution.

Je suis là.

BLANCHE, se retournant.

Vous m’avez fait peur.

ANDRÉ.

Je croyais que vous m’attendiez.

BLANCHE.

Oui... depuis quelque temps déjà.

ANDRÉ.

Ma mère me parlait et m’embrassait, je ne savais plus comment la quitter... Voulez-vous me donner la main ?

BLANCHE.

Non. Je ne donne ma main à personne.

ANDRÉ.

J’ai passé toute cette semaine sans vous voir.

BLANCHE.

Je vous l’avais dit.

ANDRÉ.

Avez-vous pensé à moi ?

BLANCHE.

Et vous ?

ANDRÉ.

Beaucoup, je vous le jure.

BLANCHE.

Comme je vous l’avais demandé ?

ANDRÉ.

Je ne me souviens plus.

BLANCHE.

Il était convenu que vous parleriez à vos parents ; l’avez-vous fait ?

ANDRÉ.

Je n’ose pas... Vous êtes fâchée ?

BLANCHE.

Oui. Pourquoi attendre, puisqu’il faudra toujours en venir là ? Votre mère est bonne ; elle vous aime et vous écoute volontiers est-ce donc si terrible de causer d’abord avec elle ? Ce serait beaucoup pour moi de connaître son opinion et peut-être d’avoir son appui.

ANDRÉ.

Si je ne peux pas vous épouser ?

BLANCHE.

Ce ne sera pas ma faute.

ANDRÉ.

Vous m’en voudrez ?

BLANCHE.

Pas le moins du monde.

ANDRÉ.

Qu’est-ce qui arrivera ?

BLANCHE.

Nous ne nous verrons plus... Pas un jour ! Pas une fois !

ANDRÉ.

Je me tuerai alors.

BLANCHE.

Quelle plaisanterie !

ANDRÉ.

Vous ne me croyez pas ?

BLANCHE.

Si je vous croyais, je serais bien à plaindre. Que pourrais-je faire entre votre famille qui ne voudrait pas de moi et vous qui me menaceriez de vous tuer ? Tenez, monsieur André, j’ai bien peur que vous n’ayez quelque vilaine arrière-pensée. Faut-il que je sois plus hardie que vous et que je devine ce que vous n’osez pas dire ? Pourquoi, n’est-ce pas, si je ne suis pas assez bonne pour être votre femme, ne serais-je pas votre maîtresse ? Ça arrangerait tout. Jamais, vous m’entendez, jamais !

ANDRÉ.

Vous ne m’aimez pas.

BLANCHE.

Qu’en savez-vous ?

ANDRÉ.

Dites-moi que vous m’aimez et je parlerai à ma mère aujourd’hui.

BLANCHE.

C’est inutile.

ANDRÉ.

Comment ?

BLANCHE.

Restons-en là, je le préfère.

ANDRÉ.

C’est vous qui me retenez maintenant.

BLANCHE.

Vous ne réussirez pas. Votre âge est un obstacle ; la fortune de vos parents en est un autre ; peut-être ont-ils déjà quelque vue sur vous pour plus tard.

ANDRÉ.

Je parlerai à ma mère, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas. Vous ne risquez rien.

BLANCHE.

Vous vous trompez. Je risque beaucoup, au contraire. Je m’expose à un refus d’abord, ce qui n’est jamais bien flatteur ; à un congé ensuite, ce qui me mettrait dans l’embarras.

ANDRÉ.

J’ai eu tort.

BLANCHE.

Oui, vous avez eu tort.

ANDRÉ.

Vous me pardonnez ?

BLANCHE.

Sans doute. Vous souffrez et j’en suis la cause, je ne peux pas vous en vouloir pour un mot de trop. Écoutez-moi bien, monsieur André. Je me suis embarquée avec vous dans un petit roman qui me plaisait par sa gentillesse et son honnêteté. Je vois bien qu’il n’aura pas de suite et qu’il me coûtera quelque gros ennui peu importe ; je n’en mourrai pas plus que vous. Mais il ne faut pas que cette situation se prolonge ; elle m’occupe, elle m’embarrasse, elle m’énerve. Nous pouvons être surpris à tout moment et je me trouverais compromise. Vous-même, vous devez désirer en finir. Il y a d’autres femmes que moi auxquelles vous plairez bien facilement. Vous n’avez pas vingt ans pour gémir et vous désespérer.

 

 

Scène VII

 

BLANCHE, ANDRÉ, LETOURNEUR

 

LETOURNEUR, entrant par la porte du fond.

Qu’est-ce que tu fais là ? Ne cherche pas, c’est visible. Je ne veux pas de ça dans ma maison. Tu es libre, n’est-ce pas ? Je ne te demande pas où tu vas ni l’emploi de ton temps. Cette demoiselle a ses moments dont elle dispose. Si vous avez besoin de causer ensemble, allez ailleurs.

BLANCHE.

Vous vous trompez, monsieur Letourneur, votre fils n’a plus rien à me dire ; c’est avec vous maintenant qu’il a besoin de causer.

Passant devant lui.

Parlez à votre père, monsieur André. Vous le voyez, reculer n’est plus possible, vous démentir serait déloyal.

Lui donnant la main.

Attendez-moi ici, mon ami, je reviendrai.

Elle sort.

 

 

Scène VIII

 

LETOURNEUR, ANDRÉ

 

LETOURNEUR.

Qu’est-ce qu’il y a ? Allons, accoucheras-tu ?

ANDRÉ, très ému.

Je voudrais me marier.

LETOURNEUR.

Ah ! C’est bien, cela c’est très bien. Avec qui ?

ANDRÉ.

Avec une de tes ouvrières.

LETOURNEUR.

C’est encore mieux. Tu l’appelles ?

ANDRÉ.

Mademoiselle Bienvenu.

LETOURNEUR.

Cette fillette... que tu embrassais quand je suis entré, je t’ai vu.

ANDRÉ.

Je ne l’embrassais pas.

LETOURNEUR.

Regarde-moi et ne mens pas c’est ta maîtresse ?

ANDRÉ.

Non, mon père.

LETOURNEUR, à part.

Nigaud !

À André.

Elle est donc bien extraordinaire, cette petite ?

ANDRÉ.

Je l’aime beaucoup.

LETOURNEUR.

Et elle aussi, je suis bien sûr, elle t’aime beaucoup. Pourquoi t’épouserait-elle, autrement ?... Veux-tu que je te dise, mon garçon ? Ta mère t’a élevé comme un jocrisse. Ce n’est pas ma faute, c’est la sienne. Tu sais que ta mère et moi nous n’avons jamais pensé de la même manière. Notre ménage s’en est mal trouvé, mais notre commerce n’en a pas souffert, c’est le principal. Si ta mère m’avait écouté, si je t’avais mis à quinze ans dans la confection, comme je le voulais, tu n’aurais pas été bien malheureux avec papa et maman derrière toi, et tu aurais appris bien des choses qu’on doit savoir à ton âge. On ne perd pas de temps dans la confection, ce n’est pas comme dans les collèges. Tu serais un homme aujourd’hui et tu ne me parlerais pas de te marier parce qu’une farceuse ne veut pas de toi ou qu’elle en veut beaucoup trop... Tiens, la voilà justement, ta mère Elle arrive bien.

 

 

Scène IX

 

LETOURNEUR, ANDRÉ, MADAME LETOURNEUR

 

MADAME LETOURNEUR est entrée par le fond.

Je te cherche partout, mon enfant.

À son mari.

C’est donc le salon ici, que vous vous y tenez tous les deux ?

LETOURNEUR.

La place n’est pas mauvaise, n’est-ce pas, André ?

MADAME LETOURNEUR.

Pour vous, c’est possible, mais non pas pour mon fils.

LETOURNEUR.

Vous êtes en retard, Madame, comme à votre ordinaire Votre fils était en train de me conter ses amours. Oui. Il est pris, le pauvre garçon, tout à fait pris, et c’est une de vos ouvrières, Mlle Bienvenu, qui a fait le coup. André me demandait mon consentement pour l’épouser.

MADAME LETOURNEUR.

Est-ce vrai, André ?

ANDRÉ.

Oui, ma mère.

MADAME LETOURNEUR.

Est-ce sérieux au moins ?

ANDRÉ.

Oui, ma mère.

LETOURNEUR.

Qu’est-ce que vous dites de ça, Madame ?

MADAME LETOURNEUR.

Que voulez-vous que je dise ? Si André aime cette jeune fille et si elle est honnête, comme je le crois, ni l’âge de l’un, ni la position de l’autre, ne m’empêcheraient de les marier ensemble. Tu pouvais plus mal choisir, mon enfant elle est charmante, Blanche, charmante, très bien douée, d’un instinct très sûr, et le seul monde où elle puisse être déplacée, c’est le sien. Bien entendu, la chose est assez grave pour que nous prenions le temps d’y réfléchir ; mais je suis très heureuse que mon fils, en rencontrant une personne de petite condition, à son goût, ait songé à l’épouser plutôt que d’essayer de la séduire.

LETOURNEUR.

Vous êtes une folle, Madame, et votre fils est un niais ?

Passant devant elle.

Va faire tes malles ; tu partiras aujourd’hui même. Vous entendez ce que je lui dis ? Il partira aujourd’hui même. Je voulais depuis longtemps t’envoyer en Angleterre ; Paris ne te vaut rien en ce moment ; je fais d’une pierre deux coups, c’est l’acte d’un bon commerçant. Va faire tes malles.

André se jette dans les bras de sa mère qui l’entraîne avec elle.

 

 

Scène X

 

LETOURNEUR

 

Certainement je vais l’envoyer en Angleterre ! Je lui compte cinq cents francs tous les mois pour me coller des étiquettes, ça ne sera pas plus cher ni moins profitable. Quel bêta que cet enfant-là ! Voilà donc de quoi il s’occupe ! Un autre, à sa place, un garçon sérieux et entendu, serait entré dans ma maison avec une arrière-pensée. Il l’aurait étudiée, retournée, possédée sur le bout de son doigt, et il serait venu me dire après : « Ôte-toi de là que je m’y mette. » J’aurais crié : « Bravo ! » Il a un cousin, Stanislas Perrodon, qui a fait mieux que cela, lui. Il a dit à son père Je ne veux pas être ton commis, je veux être ton associé. » Le père a refusé. Stanislas a ouvert une maison et lui a raflé sa clientèle. C’est un gaillard aussi, celui-là ! Ça ne l’empêche pas de rire et de s’amuser, au contraire. Si André avait voulu, à vingt-cinq ans, – on est bien jeune à vingt-cinq ans, – il pouvait posséder une des bonnes maisons de couture de Paris. Il pouvait prétendre à une dot de trois cent mille francs. Il pouvait entrer au Conseil municipal... pour le côté droit. On me l’a offert à moi, mais c’était pour le côté gauche. J’ai refusé. J’ai refusé, ce ne sont pas mes principes qui m’ont retenu, c’est l’intérêt tout simplement. Une clientèle cléricale et des électeurs socialistes, ça ne pouvait pas marcher ensemble.

Blanche rentre.

 

 

Scène XI

 

LETOURNEUR, BLANCHE

 

LETOURNEUR.

Vous voilà, vous. Approchez un peu qu’on vous regarde. C’est vrai, ma foi, il y en a de plus laides que vous. Je ne vous connais pas. À quel moment êtes-vous entrée ici ?

BLANCHE.

L’année dernière.

LETOURNEUR.

En juillet ?

BLANCHE.

En juillet.

LETOURNEUR.

Je ne riais pas alors. Ma scélérate de goutte a failli me jouer un vilain tour. J’ai dû me ranger depuis et mettre de l’eau dans mon vin. Voyons, mon enfant, il ne s’agit pas de ma goutte pour l’instant. André m’a parlé de l’affaire, ça ne me va pas ; ça ne me va pas du tout.

BLANCHE.

Je le prévoyais.

LETOURNEUR.

Vous le prévoyiez ? Tant mieux alors, tant mieux ! Nous voilà tout de suite d’accord. Je me demande ce que je vais faire de vous. Il est bien difficile que je vous garde maintenant. Avez-vous pensé à ça aussi ?

BLANCHE.

J’y ai pensé.

LETOURNEUR.

Ah ça ! Est-ce qu’une gamine de votre espèce s’entendrait avec mon fils pour me faire quelque sottise ?

BLANCHE.

Tranquillisez-vous. Je ne reverrai pas M. André.

LETOURNEUR.

Non ?

BLANCHE.

Non.

LETOURNEUR.

Je vais l’envoyer pendant quelque temps en Angleterre.

BLANCHE.

Vous aurez raison.

LETOURNEUR.

Voulez-vous que je l’appelle et qu’il vous fasse ses adieux ?

BLANCHE.

C’est inutile.

LETOURNEUR.

À quoi pourrait-il vous être bon, mon fils ? Un enfant qui ne sait rien, qui ne fait rien, qui serait demain sur le pave s’il ne m’avait pas là. Il ferait des dettes ? On ne va pas loin avec des dettes.

BLANCHE.

Tranquillisez-vous, je vous le répète. J’ai eu tort d’écouter M. André, et de supposer, si peu que ce fût, qu’on pourrait nous marier ensemble. Mais brouiller un fils avec ses parents et leur causer des embarras, je n’y songe pas une minute.

LETOURNEUR.

C’est bien. Je vous crois. Je serais là, du reste, si vous changiez d’avis. Je ne vous en veux pas. Chacun pour soi en ce monde. C’est André qui ne devait pas vous mettre des folies dans la tête. Vous vous seriez convenus l’un et l’autre, il aurait voulu vous acheter quelques robes, un peu de linge, un mobilier même, il m’aurait trouvé. J’ai été jeune. Je le suis encore quelquefois. Mais le mariage, c’est une autre affaire, halte-là !

La poussant du coude.

La main sur la conscience, est-ce que je n’ai pas raison ?

BLANCHE.

Peut-être.

LETOURNEUR.

De quel pays êtes-vous ?

BLANCHE.

Je suis Parisienne.

LETOURNEUR.

Tant pis ! Je n’aime pas beaucoup les Parisiens et les Parisiennes ; mauvaise graine presque toujours. Quel âge ?

BLANCHE.

Dix-neuf ans.

LETOURNEUR.

Où étiez-vous avant d’entrer ici ?

BLANCHE.

Chez M. Akbar.

LETOURNEUR.

Bonne maison. Pourquoi l’avez-vous quittée ? Le gros Akbar, que je connais bien, aura voulu s’amuser avec vous. Où est le mal ? Ça pourrait bien me tenter aussi.

BLANCHE.

Décidez-vous, monsieur Letourneur. Il faut que je sache si vous me gardez ma place ou si je dois en chercher une autre.

LETOURNEUR.

Qu’est-ce que vous gagnez chez moi ?

BLANCHE.

Dix-huit cents francs.

LETOURNEUR.

Dix-huit cents francs, c’est pas mal.

BLANCHE.

Je ne me plains pas.

LETOURNEUR.

Et vous voudriez les garder ?

BLANCHE.

Je voudrais ne pas les perdre du jour au lendemain.

LETOURNEUR.

Est-ce pour vous, au moins, cet argent-là ? Non, n’est-ce pas ? Vous avez une famille qui vous en tient compte. Elle prend tout et elle vous laisse le reste.

BLANCHE.

Ma famille m’a élevée ; il est bien juste que je m’occupe d’elle à mon tour.

LETOURNEUR.

C’est très juste en effet. Je connais ça, la famille ; les vieux parents et les jeunes. Mon bonhomme de père a vécu jusqu’à quatre-vingt-douze ans, et il n’a jamais manqué de rien, je vous prie de le croire. Vous avez peut-être vu ici une péronnelle, noire comme de l’encre et sourde comme un pot ; c’est une cousine de ma femme, que je loge, que j’habille et que je nourris. Ah dame ! je ne peux pas la faire entendre. Je paie les mois d’apprentissage à deux petits vauriens, qui sont mes arrière-neveux, à ce qu’on m’a dit ; j’aime mieux le croire que d’aller y voir. Tout cela n’est pas bien amusant, je vous l’accorde. On aimerait mieux manger son argent avec une jolie fille comme vous ; mais l’un n’empêche pas l’autre, et on ne peut pas toujours penser au diable.

BLANCHE.

Je m’en vais. Je quitte votre maison, c’est le plus simple, et ça coupera court à tout.

LETOURNEUR.

Restez là. Je vais vous faire une proposition. André partira cette semaine il vous écrira quelques lettres d’abord, vous répondrez ou vous ne répondrez pas ; quand il ne vous verra plus, il vous aura bien vite oubliée. Je suis propriétaire à Passy d’une bicoque qui n’a pas été habitée depuis longtemps. Vous serez là comme chez vous et vous y aurez tout ce qu’il vous faut. Je n’ai jamais contraint une femme ; celles qui ont bien voulu, à la bonne heure ! et elles ne l’ont pas regretté plus tard. Si vous me trouvez trop ennuyeux ou trop déplumé, les choses n’iront pas plus loin. Ça vous va-t-il comme ça ?

BLANCHE.

Vous êtes un homme ignoble, ignoble. Je ne sais pas ce qui me retient de vous cracher à la figure.

LETOURNEUR, allant à elle, entre deux tons.

Eh bien ?

BLANCHE.

N’approchez pas, ou j’appelle votre femme et votre fils, et je leur répète ce que vous venez de me dire.

LETOURNEUR.

Faites votre paquet, Mademoiselle, que je ne vous revoie pas ici.

Il sort.

 

 

Scène XII

 

BLANCHE

 

Quelle misère ! Qu’une pauvre fille est à plaindre quand elle ne veut pas se donner au premier venu ! Tous, les vieux, les jeunes, ceux qui l’aiment, ceux qui ne l’aiment pas, l’homme qui passe et qui la rencontre, tous, n’ont qu’une pensée la mettre dans leur lit, advienne que pourra ! – Me voilà bien. Je n’ai plus de place ; il me reste vingt-trois francs dans mon porte-monnaie et dix jours qu’on me devra ici, si je viens les réclamer ; le mois prochain, c’est le terme ; qu’est-ce qu’on va faire à la maison ?

Elle se laisse aller sur une chaise dans une crise de larmes ; se relevant.

Je suis perdue. Je suis au bout de mon courage. J’en ai assez de cette existence misérable, sans repos, sans plaisirs, et dont on ne voit pas la fin. Plutôt que de vivre ainsi, je me jetterais à l’eau.

 

 

Scène XIII

 

BLANCHE, AUGUSTE

 

AUGUSTE.

À nous deux maintenant, Mademoiselle.

Il va au fond, dépose sa caisse et revient.

On dirait que vous avez pleuré ?

BLANCHE.

Parlez tout de suite, Auguste ; je ne voudrais pas m’attarder trop longtemps.

AUGUSTE.

Qu’est-ce que vous pensez de moi, Mademoiselle ?

BLANCHE.

Vous êtes un brave garçon, Auguste, c’est bien certain.

AUGUSTE.

Ordonné ?

BLANCHE.

Oui.

AUGUSTE.

Laborieux ?

BLANCHE.

Laborieux.

AUGUSTE.

Et intelligent ?

BLANCHE.

Vous faites toujours très bien votre ouvrage.

AUGUSTE.

Eh bien, ce n’est pas tout, Mademoiselle. Il y a autre chose encore qui ne se voit pas et que je n’ai jamais dit à personne. Je suis dévoré par l’ambition, dévoré. Oui, Mademoiselle. Je ne vis plus, d’être chez les autres et de m’esquinter à leur service. Il faut que je m’établisse, quand je devrais manger tout ce que j’ai.

BLANCHE.

Mais, Auguste, il s’agissait d’un mariage, m’avez-vous dit ?

AUGUSTE.

Attendez, Mademoiselle. Le mariage va venir. Un homme, n’est-ce pas, ne peut pas tout faire dans une maison. Il a besoin d’une compagne qui le seconde, qui s’exprime bien, avec de jolies manières. Si de son côté elle avait quelques économies, ça n’en serait que mieux.

BLANCHE.

Et cette personne, Auguste, vous l’avez trouvée ?

AUGUSTE.

Oui, Mademoiselle.

BLANCHE.

Je la connais ?

AUGUSTE.

Oui, Mademoiselle.

BLANCHE.

Vous me croyez quelque influence sur elle ?

AUGUSTE, souriant.

Elle fera ce que vous voudrez, c’est le cas de le dire.

BLANCHE.

Nommez-la.

AUGUSTE.

Mademoiselle Blanche Bienvenu.

BLANCHE, stupéfaite.

Moi !... moi !... moi !...

Elle le quitte.

Ah ! c’est pis que tout pis que tout ! Le voilà, le mariage qui m’attend et l’homme auquel je pourrais appartenir !

Brusquement elle va à une armoire, prend de l’encre et du papier et écrit sur ses genoux.

« Ma chère Marie,
« Nous ne nous reverrons plus. Plains-moi ! Blâme-moi ! Méprise-moi ! Ce soir je serai la maîtresse du baron.
« Je t’embrasse pour la dernière fois. »

Elle plie la lettre et la ferme elle gagne la porte de gauche arrivée là, elle s’arrête, en regardant Auguste qui est resté hébété.

Vous êtes un brave garçon, Auguste. Cherchez une autre femme et gagnez beaucoup d’argent, je vous le souhaite de bien bon cœur.

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